L'évolution du réseau ferroviaire
(1859-1994)

La machine à vapeur et le chemin de fer ont été inventés en Angleterre dans le premier quart du XIXe siècle, afin de transporter à moindre coût des matériaux pondéreux comme le fer où le charbon ; très vite le chemin de fer se développe et s’impose comme un maillon indispensable de l’industrialisation. Les ingénieurs des mines du bassin stéphanois, après des visites en Angleterre, importent cette nouvelle technique et ouvrent la première voie ferrée française entre Saint-Étienne et Andrézieux en juin 1827.

À cette époque, le chemin de fer est pensé comme un complément de la voie d’eau, notamment là où le relief rend très difficile, voire impossible, le creusement de canaux ; c’est le cas du Bourbonnais, vallonné et sans grand cours d’eau ; la technologie ferroviaire va s’y diffuser rapidement dans plusieurs bassins houillers (Fig. 1). En juin 1839, est inaugurée la section Mines de Bert-Vaumas (prolongée en 1840 jusqu’au canal latéral à la Loire). En 1846, est mise en service la ligne minière entre Montluçon et Commentry. Ces segments construits par différentes compagnies minières, forment un ensemble disparate du point de vue des techniques. Fin 1841, la France n’a donc pas réellement constituée de réseau et accuse un certain retard par rapport à d’autres pays européens. L’État français confie à l’ingénieur Legrand, le soin d’élaborer un réseau ferroviaire, centré sur Paris et en étoile vers les ports et les frontières du pays. Ce dispositif est acté dans la loi votée le 11 juin 1842. De nombreuses compagnies se créent et tentent d’obtenir des concessions parmi les sections à construire. En Auvergne, les compagnies du Paris-Orléans (PO), du Paris-Lyon à la Méditerranée (PLM), du Grand Central de France, ainsi que d’autres, à caractère local, se livrent une lutte acharnée. Seules les deux premières subsisteront. Les premiers maillons de ce grand réseau parviennent en Auvergne par le nord. Entre 1853 et 1859, le rail se diffuse vers les principaux centres miniers et industriels de l’Allier (Montluçon, Commentry), du Puy-de-Dôme (Brassac) et en direction de ceux de la Loire (Roanne et Saint-Étienne).

Les vingt années suivantes seront celles des grands chantiers trans-Massif central (Fig. 2). Le PLM et le PO obtiennent différentes concessions qui vont permettre de bâtir plusieurs itinéraires radiaux et transversaux. Le PLM achève ainsi en 1870 la section Langeac – Villefort, offrant à l’Auvergne un débouché vers le sud. Le PO traverse quant à lui les montagnes du Cantal, et met en service en 1868, la section Aurillac – Murat, dernier maillon d’une transversale de Clermont à Toulouse. Grâce à ce réseau, les principales villes de l’Auvergne sont desservies.

Dans un esprit d’aménagement égalitariste du territoire, les gouvernements successifs de la IIIe République se donnent pour objectif de combler les lacunes de ce réseau ; la loi Freycinet du 17 juillet 1879 classe 181 lignes à réaliser. En outre, certains départements affinent encore ce maillage en réalisant des voies ferrées d’intérêt local, la loi Migneret ayant autorisé les départements à les concéder en 1865. L’Allier, avec plus de 400 km, en est le parfait exemple. Toute la fin du XIXe siècle, et le début du XXe, jusqu’au premier conflit mondial, connaissent une grande effervescence pour la construction de voies ferrées. Arrêté par l’entrée en guerre, le programme est achevé dans les années trente, en raison de mutations des conditions socio-économiques. Le réseau atteint son apogée en 1932 (Fig. 3).

Mais déjà planent sur certaines lignes, le spectre des déficits d’exploitation et de la concurrence du mode routier. À partir de 1934, des décrets de coordination entre autocars et voies ferrées conduisent à la fermeture de nombreuses lignes. Ralentie pendant la Seconde Guerre mondiale, ce mouvement reprend pour parvenir, dans les années 1950, à la quasi-éviction des réseaux d’intérêt local, puis de lignes SNCF traversant des contrées rurales (Fig. 4). Les politiques favorables à la route des années 1960-70 renforcent cette tendance. De nombreuses lignes reliant des petites villes ou parcourant des zones peu peuplées sont transférées sur route. Toutefois, remarquons que l’essentiel du réseau SNCF est alors maintenu pour le fret.

Le choc pétrolier en 1973 stabilise un temps ce réseau (Fig. 5). La régionalisation et la création des TER à partir du début des années 80 vont même avoir des effets positifs de redéveloppement des services sur le réseau subsistant. En revanche, la fin de la décennie 80 connaît l’effondrement du fret et la politique d’abandon du wagon isolé. Le passage à des systèmes informatisés de billetterie (Socrate) au début des années 1990 provoque la suppression de la présence humaine dans de nombreuses petites gares, ce qui, accompagné de la réduction des services, amène une nouvelle série de fermeture de lignes notamment dans le Cantal (Fig. 6).

150 ans d’évolution du rail en Auvergne montrent une longue phase de montée en puissance du rail qui dure 100 ans jusqu’aux années 30, suivie d’un fort déclin notamment en milieu rural.

Bibliographie

Desmichel Pascal, Faucon Frédéric, Patrimoine extraordinaire du chemin de fer en Auvergne et Limousin, Chamalières, Christine Bonneton, 2015.