L'invention des départements

Conscients de nécessaires réformes administratives en matière de justice et d’impôts, la plupart des cahiers de doléances n’abordent le système politique que par des protestations de fidélité à la Couronne et l’évocation de libertés essentielles, de la propriété nécessaire, des privilèges superflus, de l’arbitraire révolu. Certains, dont celui du Tiers état du Puy-en-Velay, évoquent aussi une nouvelle division électorale du royaume susceptible de rénover vie provinciale et municipale, une simplification de cet enchevêtrement et de cette juxtaposition de diocèses, gouvernements, généralités, bailliages et sénéchaussées qui dessinent la carte de l’Ancien Régime. Nul projet, pourtant, qui aboutisse au remembrement des circonscriptions, à cette carte de 75 à 85 départements, subdivisés en 3, 6 ou 9 districts, eux-mêmes en cantons, et ces deniers en communes, dont l’Assemblée nationale retient le principe entre le 11 et le 14 novembre 1789, dans la foulée de la révolution municipale. Et pourtant, les cartons des ministères étaient pleins de propositions géométriques et utopiques de subdivisions territoriales égales, en carrés, en cercles, etc., que reprennent en partie à leur compte les Constituants du comité de Constitution (dont sont notamment membres Talleyrand, Sieyès, Rabaud Saint-Étienne). Ainsi le géographe Robert de Hesseln avait-il dressé en 1780 une carte de la France divisée en 81 « contrées » carrées, de 18 lieues sur 18 (72 km) environ, divisées elles-mêmes en 9 districts de 9 cantons chacun ; Mirabeau plaidait pour 120 départements sans subdivisions intermédiaires, « pour rapprocher l’administration des hommes et des choses » ; Condorcet pour que « dans l’espace d’un jour, les citoyens les plus éloignés du centre puissent se rendre au chef-lieu, y traiter d’affaires pendant plusieurs heures et retourner chez eux ».

Prenant acte des conséquences des journées révolutionnaires de juillet, de leurs conséquences et de celles de la Grande Peur, qui avaient conduit en maints endroits au remplacement des anciens corps de ville ou à leur amalgame avec de nouveaux édiles imposés par les faits, les Constituants règlent prioritairement le cas des administrations municipales. Les municipalités, accordées à chaque ville, bourg et paroisse rurale, sont organisées par la loi du 14 décembre 1789, non sans poser des problèmes dans le Velay où la communauté de base coïncide avec la seigneurie haut-justicière (ou « mandement »), au niveau de laquelle est calculée l’assiette fiscale, et non avec le cadre paroissial. Ainsi, la paroisse de Saint-Germain-Laprade, forte de treize hameaux, cas extrême, relève de douze mandements différents. À ces nouvelles municipalités, dont le conseil général est élu au suffrage censitaire par des hommes de plus de vingt-cinq ans domiciliés depuis plus d’un an et payant un impôt équivalent à trois journées de travail (les « citoyens actifs »), de gérer le quotidien collectif, de réglementer le commerce local, de maintenir l’ordre, jusqu’à éventuellement proclamer la loi martiale. La carte des municipalités est cependant complétée au fil des années afin de corriger des oublis initiaux : en l’an II, Beaulieu s’inscrit par exemple parmi celles du Cantal. Mais ce sont bien les échelons supérieurs des administrations qui donnent lieu aux débats les plus vifs, les plus complexes. Ainsi, la volonté du plan Sieyès-Thouret, fin septembre 1789, de rendre les administrations faciles d’accès aux administrés, notamment en assurant leur centralité au sein des territoires redéfinis, hiérarchisés, démographiquement et économiquement égaux, et d’une taille suffisamment réduite pour en assurer la parfaite connaissance et une gestion autonome, se heurte à la défense de privilèges anciens et d’identités.

Une création disputée

Le 15 janvier 1790 sont institués 83 départements, dont les limites sont fixées le 26 février, la dénomination le 14 mars. Le temps est bref entre la décision et son application, intense si l’on mesure les correspondances échangées entre les députés et leurs commettants, le travail des délégations envoyées à Paris, véritables groupes de pression, les inévitables conflits réglés en totalité ou en partie, notamment au sein des comités de province à Versailles, auxquels on laisse le soin de fixer la nouvelle carte à partir des travaux de Cassini – et où retentissent les querelles entre Riomois et Clermontois, entre Auvergnats et Bourbonnais... L’Allier, le Cantal, la Haute-Loire, le Puy-de-Dôme sont les nouvelles entités qui recouvrent peu ou prou les anciennes frontières de la Haute et de la Basse-Auvergne, du Bourbonnais et du Velay, non sans débats sur leurs limites respectives, notamment entre Allier et Puy-de-Dôme, qui se disputent Aigueperse, Ébreuil, Gannat. Seul le Brivadois est arbitrairement rattaché au Velay pour former la Haute-Loire ; on laisse le choix aux paroisses montagneuses frontalières du Puy-de-Dôme et du Cantal d’opter pour l’un ou l’autre des départements : au premier iront finalement Espinchal, La Godivelle et Saint-Alyre, au second Condat et Mongrelet.

Après avoir lutté en vain contre la partition de l’Auvergne, avoir plaidé l’unité géophysique, climatique, économique, sociale et historique de cette « nation brave et industrielle », Jean-François Gaultier de Biauzat (1739-1815), député de Clermont-Ferrand, très actif dans les débats, obtient que sa ville d’élection devienne capitale du Puy-de-Dôme, en lieu et place de l’ancienne ville d’intendance, Riom, ou d’Issoire - dont les notables imaginaient régner sur un département reconstruit à partir de portions de la Haute- et de la Basse-Auvergne. Alors que les reliefs, les mers et les cours d’eau vont servir de dénominations aux départements (après avoir rejeté un numéro d’ordre alphabétique ou le simple nom de leur capitale), Gaultier de Biauzat bataille aussi pour que le Puy-de-Dôme ne soit pas dénommé « Mont-d’Or », ce qui aurait pu donner de fausses idées à l’administration fiscale…alors qu’« il est plus facile d’y peser l’air que les écus ». Dans le Cantal, Aurillac et Saint-Flour se disputent le titre de capitale, et l’Assemblée préfère ne pas trancher, instaurant une alternance annuelle entre les deux cités, qui va être interrompue dès la loi du 11 septembre 1791 contre l’alternat, au profit de la première, tant les déménagements successifs sont dispendieux et sources de désordres.

Ainsi est réalisé un découpage départemental dont Marc René d’Argenson avait fourni à Louis XIV une première ébauche en 1665, afin de mieux assurer alors l’assiette et la levée de l’impôt et le travail des Ponts-et-Chaussées. Si les départements de la Révolution renferment au chef-lieu les principales administrations (fiscales, judiciaires, religieuses, etc.), que tout citoyen doit pouvoir atteindre en, au maximum, une seule journée de cheval, ils sont aussi une circonscription, l’échelon des assemblées électorales qui élisent, entre autres, l’administration départementale (directoire, conseil général), les juges du tribunal criminel, les évêques, les députés aux Assemblées nationales et, jusqu’en décembre 1793, un procureur général syndic chargé de représenter le roi puis le gouvernement républicain.

Départements de l'Auvergne An II - An VIII

Les subdivisions en districts

Le 9 février 1790 sont établis les districts, non sans provoquer les mêmes jalousies, les mêmes querelles de prérogatives. On revendiquait sa centralité, le nombre de ses routes, sa population, son commerce. Ainsi, dans le Puy-de-Dôme, Riom et Thiers se disputent Maringues, importante par sa démographie et ses marchés. À l’heure de déterminer les chefs-lieux de ces circonscriptions, il y a lutte entre Aigueperse et Montaigut, au profit du deuxième bourg, qui rejoint Ambert, Besse, Billom, Clermont-Ferrand, Issoire, Riom et Thiers. Mais plus de vingt autres localités avaient, en vain, aspiré à cette reconnaissance, dont Ardes, Herment, Lezoux, Maringues, Pionsat, Saint-Gervais, Tauves, etc. Dans le Cantal, seule Salers proteste : les chefs-lieux de district sont allés à Aurillac, Mauriac, Murat et Saint-Flour. À peine si l’élévation des recalées en chefs-lieux de cantons, sièges des justices de paix et des assemblées primaires, calme les blessures. Elles ne sont pas sans conséquences, et sur les choix politiques des années suivantes, et sur l’activité économique de plusieurs entités déclassées. Pensons à Riom, passée du siège d’une des sénéchaussées les plus étendues du royaume à simple tribunal de district avant que le Tribunal criminel du Puy-de-Dôme n’y soit établi en 1791.

Le jeu des compensations peut aussi renforcer le sentiment de relégation : en Haute-Loire, Monistrol, chef-lieu de district désormais, doit abandonner son tribunal à Yssingeaux. Dans l’Allier, Gannat, Chantelle et Saint-Pourçain, ou Cérilly, Hérisson, Bourbon-l’Archambault et Ainay-le-Château se disputent la même juridiction. Ancienne châtellenie s’étendant sur 52 paroisses, chef-lieu de canton, Hérisson est ainsi discréditée par la municipalité de Cérilly : « Petite ville située entre des rochers inaccessibles, d’où elle tire son nom […]. L’air y est malsain et elle n’est susceptible d’aucun accroissement ». Au-delà même des prérogatives associées aux découpages, des solidarités plus informelles sont à l’œuvre, opposant plaines et montagnes : les montagnards de Laschamps, Saint-Genès-Champanelle, Theix, Fontfreyde, Aydat, trente-deux villages au total, aimeraient être réunis en un même canton dans la chaîne des Dômes, sans lien politique avec la Limagne, mettant en avant leur manque de reconnaissance par les horsins, « la différence d’habillement, d’idiomes, de mœurs, de genre de travail, […] de nourriture », l’éloignement des lieux de vote. Dans l’année qui suit, la mise en application de la nouvelle carte sur le terrain, par les commissaires du roi ou les nouvelles municipalités, fut l’occasion de trancher ces querelles, de réparer quelques oublis (d’intégrer par exemple dans les cantons du Puy-de-Dôme les paroisses de Mons et du Vernet-la-Varenne, ou celle d’Échassières à l’Allier), et de laisser pendantes nombres de questions et autant de déceptions. Ce n’est qu’en 1794 que la paroisse d’Anzat-le-Luguet, revendiquée par le Cantal et le Puy-de-Dôme, sera rattachée au second.

Comme le département, le district est géré par un directoire, issu d’un conseil, et par un procureur syndic élu – à partir de décembre 1793, il est remplacé par un « agent national », rouage actif du gouvernement révolutionnaire auquel il rend des comptes décadaires. Conçu comme « les yeux et les bras » des administrations départementales, mais d’une sociologie toute autre (plus en phase avec les habitants des campagnes), souvent plus radicaux politiquement, les districts vont très vite s’en émanciper. Ils vont jouer un rôle essentiel dans la mise en vente des biens nationaux, l’organisation de l’assistance, des travaux publics, des gardes nationales, des réquisitions, de la surveillance, comme dans l’élaboration des listes de citoyens actifs ou de volontaires aux armées.

Desnos, Carte des départements,1790

BPCAM, CA DEL 1772

Naissance des arrondissements

Alors que les cartes de 1790 sont marquées par la grossièreté et l’approximation de leurs traits, camouflant des délimitations encore provisoires, l’Atlas national de France de 1791, œuvre de Chanlaire, est le premier ouvrage précis sur les nouveaux découpages, malgré ses carences sur les bornes communales. Les irrégularités géométriques traduisent bien la puissance des enjeux locaux. Ils sont revivifiés en 1795, avec l’abandon des districts, qui avaient servi de relais à la politique du gouvernement révolutionnaire de l’an II tandis que les prérogatives des départements, plus modérés, étaient rognées par la loi du 14 frimaire (4 décembre 1793). La Constitution de l’an III privilégie les échelons départementaux et cantonaux, et dote chaque niveau élu d’un agent de l’Etat nommé, en charge de faire respecter la loi et de faire remonter des états décadaires, des demandes locales et des statistiques diverses : commissaires du Directoire auprès de l’administration centrale du département, auprès des administrations cantonales. S’ils ne sont pas destitués aux lendemains des coups de force électoraux annuels, ils jouent leur rôle dans la surveillance des administrations élues et dans le remplacement des officiers municipaux défaillants (analphabétisme, absentéisme, alcoolisme en sont les causes le plus souvent évoquées).

En l’an VI, il est cependant prévu de diminuer le nombre de ces derniers, difficiles à faire vivre, faute des moyens humains et financiers : suscitant une vague de protestations, les administrateurs du Puy-de-Dôme prévoient d’en supprimer 30 (42%) de la carte, par des regroupements en Limagne, la dispersion des hameaux de montagne et la faiblesse des voies de communication y rendant l’opération plus difficile. Le projet échoue devant le Conseil des Cinq-Cents le 3 frimaire an VII (23 novembre 1798).

Alors que les départements passent sous la tutelle d’un préfet, dont les pouvoirs combinent ceux des anciens intendants et ceux des commissaires du Directoire, les districts renaissent, rétablis par la loi du 28 pluviôse an VIII (17 février 1800) sous la forme d’arrondissements, dotés d’un sous-préfet, tandis que les cantons sont remodelés et privés de toute administration, dévolue au niveau supérieur ; leur nombre est remis en cause dès novembre 1801. La Nouvelle géographie de la France, de Pierre-Louis du Couëdic de Villeneuve (1802) rend bien compte de ces mutations. Ainsi, dans l’Allier, 29 chefs-lieux de cantons perdent leur statut et demeurent 4 arrondissements au lieu de 7 cantons ; dans le Puy-de-Dôme, Besse, Billom et Montaigut perdent leur statut de chefs-lieux de districts. Bref, les petites villes sont mieux reconnues que les gros bourgs ruraux, et c’est encore plus vrai au niveau des cantons : Marsac, Égliseneuve d’Entraigues, Murol, Aubière, Beaumont, etc., disparaissent de leur carte, comme 55% d’entre eux, et ce malgré quelques créations (Saint-Dier, Veyre, Jumeaux). Seul le Cantal, percé par ses vallées glaciaires qui contraignent les installations et les organisations humaines, paraît quasi immuable.

L’arrondissement est sous la tutelle d’un sous-préfet, nommé par le pouvoir central sur proposition du préfet ; homme mûr, chef de famille selon les normes du Code civil napoléonien, il est choisi pour son entregent économique et social, pour son expérience et son conformisme politiques, pour sa bonne connaissance du territoire au sein duquel il va représenter le préfet de tournées en courriers, encadrer les maires, leurs adjoints, le conseil d’arrondissement (réuni une fois par an), dont la proposition et l’éventuelle révocation des choix lui appartiennent. À défaut de disposer d’emblée d’un bâtiment officiel, il bénéficie d’un budget annuel, notamment nécessaire pour payer un secrétaire, écrasé par le poids exponentiel des correspondances, des commis et des commissaires spécialisés ou extraordinaires, dont le nombre paraît, à l’origine, des plus limités. Son influence est grande lorsqu’il faut accorder des passeports, lever des levées d’hommes, répartir l’impôt, assurer l’ordre public (quoique la gendarmerie soit jalouse de son indépendance), organiser les fêtes officielles, aménager le territoire et les infrastructures nécessaires au transport, faire remonter des statistiques et des enquêtes de terrain (sur la population, les marchés, les impôts, la conscription, les hospices, les crimes, etc.), voire remodeler la carte administrative. Ainsi, en l’an IX, Pierre Pourrat, à Ambert, ferait bien passer le nombre des communes de son arrondissement de 52 à 45, idée finalement rejetée par le préfet.

La marche d’une sous-préfecture n’est pas de tout repos, et d’autant plus précaire lorsque le chef-lieu d’arrondissement est politiquement inconstant : si deux sous-préfets se succèdent en quinze ans dans la plupart des arrondissements du Puy-de-Dôme, sauf à Ambert où Pierre Pourrat se maintient, ils sont ainsi cinq à occuper le poste à Clermont-Ferrand. Demeure une certaine instabilité dans l’organisation des échelons administratifs, dont témoignent les mutations du rôle des conseils d’arrondissement. En l’an VIII, le conseil d’arrondissement, fort de onze membres nommés pour trois ans et réunis, au plus, quinze jours par an, a la charge de proposer au sous-préfet l’assiette et les formes du recouvrement des impôts au niveau des communes – comme le conseil général le fait par arrondissement au niveau du département. En l’an X, la répartition des conscrits s’ajoute à son champ de compétences, étant entendu qu’il peut aussi faire des propositions pour aménager sa circonscription – propositions qui heurtent parfois les municipalités. A partir de l’an XI, ses membres proviennent au moins pour moitié des collèges électoraux d’arrondissement. Une loi du 16 septembre 1807 autorise les arrondissements à lever des contributions extraordinaires pour les travaux publics. En 1815, ils deviennent une circonscription législative, sous le contrôle direct du secrétaire général de la préfecture.

Dumez et Chanlaire, Atlas national de France, n°58, 1790, Allier

BPCAM, CA 2021

Commentaires spécifiques

Carte du Puy-de-Dôme par Dumez et Chanlaire, 1790

Dans le Journal de Paris du 19 février 1790, une publicité pour l’Atlas national de France précise que Dumez et Chanlaire représenteront chaque département avec les délimitations des districts et des cantons, les chefs-lieux de paroisses, les montagnes, les bois « et tout ce qu’il sera possible d’y mettre en topographie sans en altérer la clarté ». L’ouvrage, gravé par François d’Houdan (1748-1828), est bel et bien publié progressivement dans la capitale française par la veuve Dumez, puis republié dès 1790 dans des versions précisées. L’auteur principal, Pierre Gilles Chanlaire (1758-1817), fils d’un procureur des Eaux et Forêts, avocat au Parlement de Paris en 1780, est un passionné de géographie, et sera sous l’Empire administrateur des eaux et Forêts, puis directeur du cours de géométrie et du bureau topographique du cadastre. Associé à Pierre Dumez (1757-1794), fils d’un ingénieur des Ponts-et-Chaussées, condamné à mort par le Tribunal révolutionnaire à l’heure où commence la répression des « robespierristes », ou au grand géographe Edme Mentelle (1730-1815), il suivra attentivement les évolutions politiques du territoire, de la Révolution à la Restauration. Il les traduira systématiquement en atlas de toutes dimensions – ainsi des in-4° Atlas national portatif de la France destiné à l’instruction publique en 1791, Atlas national portatif et routier de France en 1816 -, ou en analyses quantifiées (Description topographique et statistique de la France, à partir de 1808). Son travail n’existerait pas sans la Carte de Cassini, devenue « propriété de la nation », sur laquelle il s’appuie, mais il est de loin le plus attractif à l’époque. Outre le format choisi (1/86 400e environ ou 1/270 000e selon les éditions), Chanlaire instaure plusieurs codes de représentation, dans les cartes successives qu’il bâtit, des nouvelles circonscriptions administratives françaises. En 1790-1791, un estompage marron indique les différences d’altitude, un renforcement en rouge ou bleu les limites des districts, des différences de graphie les chefs-lieux des cantons (italiques et petites majuscules) dont la liste figure en marge de la carte. Cependant, si les frontières suivent approximativement les reliefs et les cours d’eau, elles deviennent beaucoup plus incertaines dès lors qu’elles s’en détachent, bien trop rectilignes pour correspondre à la réalité des communes.

Dumez et Chanlaire, Atlas national de France, n°61, 1790, Puy-de-Dôme

BPCAM, CA DEL 1945

Carte du Puy-de-Dôme par Chanlaire, 1818

Reprise de la précédente, et publiée après la mort de Chanlaire, chez Jean-Baptiste Delaval, qui a pris la succession de la veuve Dumez, cette carte de 1818 fait suite à celle de l’Atlas national de la France en départemens revu et augmenté en 1810 conformément aux nouvelles divisions de territoire (Paris, 1810), qui prenait en compte les départements étrangers annexés par un Empire alors triomphant. Pour cet Atlas de la France en départements (en 86 cartes), il a fallu évidemment réduire de beaucoup le propos en 1818, et se reconcentrer sur un territoire national limité par les défaites militaires et le traité de Vienne (1815). Mais les nouvelles limites administratives, celles des arrondissements, soulignées en bleu, celles des cantons, approximativement dessinées en rose, sont bien visibles, et par là-même la dégradation institutionnelle de villes comme Montaigut-en-Combrailles, Besse ou Billom. Toutes les orthographes ne sont pas fixées, ou sont fautives (Ebreuille, Cunlha, Église Neuve, Saint Amand Roche Savine, Merdeyrolles, Pont au Mur, etc.). Les églises, les places-fortes, bien répertoriées, ou l’ombre des reliefs, l’écheveau des rivières, rappellent les emprunts à Cassini, et donc la persistance de repères hérités de l’Ancien Régime.

Delaval, Atlas national de la France, n°61, 1818, Puy-de-Dôme

Collection particulière

Bibliographie

Martin Daniel, La Révolution en Auvergne, Bourbonnais et Velay, Clermont-Ferrand, La Française d’Édition et d’Imprimerie, 1993.

Mège Francisque, Formation et organisation du département du Puy-de-Dôme (1789-1800), Angers, 1880 [Marseille, Laffitte reprints, 1979].

Nordman Daniel, Ozouf-Marignier Marie-Vic, Laclau Alexandra (dir.), Atlas de la Révolution française, volume 5, 2 tomes, « Le territoire », Paris, Éditions de l’EHESS, 1989.

Ozouf-Marignier Marie-Vic, La formation des départements. La représentation du territoire français à la fin du XVIIIe siècle, Paris, Éditions de l’EHESS, 1992.